FERMETURE DE LA MINE ET RECONVERSION DES EMPLOYÉS

Les vestiges de la mine

Le 8 avril 1946, l'assemblée nationale vote la loi de nationalisation des secteurs de l'énergie, la production, le transport, la distribution, l'importation et l'exportation d'électricité. Les biens sont transférés à la société ''Électricité de France'' (EDF) qui devient un établissement public d'État. Le secteur du gaz et aussi nationalisé sur le même modèle avec la création de Gaz de France (GDF). Dans l'immédiat d'après guerre, le charbon est la seule ressource d'énergie que dispose la France pour relancer la machine économique afin de reconstruire le pays. Il faut produire coûte que coûte ! Pour atteindre les ambitieux objectifs de production, seul l'État a les moyens pour remettre les mines en état et les moderniser. Un premier volet dans le processus de nationalisation concerne les Houillères du Nord et du Pas de Calais par l'ordonnance du 14 décembre 1944 qui n'est qu'une étape provisoire. Le deuxième volet est institué le 19 avril 1946 par la loi de nationalisation des Mines de combustibles minéraux solides. Elle est promulguée le 17 mai et son décret d'application de juin crée un nouvel organisme, les Charbonnages de France (CdF), où son action va s'exercer sur l'ensemble du territoire. Il s'ensuit la création de 9 Houillères de Bassins : Nord-Pas-de-Calais, Lorraine, Loire, Cévennes, Blanzy, Aquitaine, Provence, Auvergne et Dauphiné. L'enjeu de la bataille du charbon implique, pour le gouvernement, que l'on dote les mineurs d'un statut particulier. Le décret n° 461433 du 14 juin 1946 institue le ''Statut du Mineur'' pour attirer la main d'œuvre et la fixer dans les centres miniers. Ce statut organise la profession sur de nouvelles bases où les risques du métier et la pénibilité sont reconnus et compensés par de substantiels avantages ; droit au logement, attribution de combustibles, reconnaissance de la silicose comme maladie professionnelle, sécurité sociale spécifique, retraite, durée du travail, transport, congés payés, prestations pour l'éducation et la formation de leurs familles, etc...

Le 19 septembre 1946 a lieu l'avant dernière Assemblée Générale Ordinaire des Houillères de Ronchamp sous la présidence de son Directeur Général, Albert Solasse. L'ordre du jour était le suivant ; rapport du Conseil d'Administration, rapports des Commissaires aux comptes, discussion et, s'il y a lieu, approbation des comptes de l'exercice 1945 présentés par le Conseil, affectation des bénéfices et dividende, renouvèlement partiel statutaire du Conseil d'Administration, rémunération des Commissaires et approbation prescrite par l'article 40 de la loi du 24 juillet 1867 modifié par l'article 10 de la loi du 4 mars 1943. Le rapport du C.A. fait le bilan des perturbations causées par les violents combats de la Libération. L'arrêt de la mine pendant près de six mois à nécessité des travaux très importants de remise en état de plus de 5 kilomètres de galeries. Du côté du service électrique, en juin 1945, tous les réseaux de distribution se trouvaient de nouveau alimentés ; à la fin du premier trimestre, il ne restait plus que quelques communes privées de courant. Dans l'ensemble de l'exercice, 557 kilomètres de lignes haute et moyenne tension et 565 kilomètres de lignes basse tension ont été réparées, au moins d'une façon provisoire. En ce qui concerne les logements du personnel, sur 398 locaux disponibles, 23 avaient été détruits, 40 se trouvaient absolument inhabitables et tous les autres étaient plus ou moins endommagés. A fin 1945, 344 étaient de nouveau occupés et la réparation de ceux non entièrement détruits (31), se trouvait très avancée.

La société a du faire face à une véritable crise d'effectifs. Pour remédier à l'insuffisance au nombre de mineurs disponibles dans le bassin, il a fallu employer des prisonniers de guerre allemands ; mais cette main-d'œuvre, non spécialisée, n'avait qu'un faible rendement. Mais l'augmentation progressive des charges, ont aggravé le déficit qui a été partiellement comblé par les subventions du Fonds d'Assistance aux mines à conditions difficiles. En raison de l'importance des dommages de guerre subis par la Société un poste intitulé « Frais de réparation de dommages de guerre » apparait dans le bilan ; le coût des travaux se monte au 31 décembre 1945 à 31.366.376,15 frs. Le document complet de cette assemblée générale au format pdf est disponible ici : Assemblée Générale du 19 septembre 1946.

La société des Houillères de Ronchamp a été nationalisée par l'effet de la loi du 8 avril 1946 et suivi du décret du 22 juin. Ses biens sont transférés à EDF sans doute parce que la société possédait une centrale électrique. Une conférence s'est tenue à Ronchamp le 5 octobre 1946 sur la demande du ministre de la Production industrielle afin de fixer les statuts afférents à ce personnel. Étaient présents : M. le Directeur technique des CdF, le directeur de l'Exploitation minière de Ronchamp, le secrétaire général de EDF, l'ingénieur en chef des Mines de Strasbourg, le secrétaire de la Fédération de l'éclairage, un secrétaire de la Fédération du sous-sol, le secrétaire général des Houillères de Ronchamp qui représentait du Syndicat des Ingénieurs, le secrétaire du Syndicat des mineurs de Ronchamp, le secrétaire du Syndicat des électriciens ainsi qu'une délégation de quatorze membres représentant le personnel Fond et Jour. A l'issue de cette réunion, il en ressort deux décisions importantes:
-le personnel des réseaux électriques, du magasin électrique ayant sollicité le bénéfice du statut E.D.F. reste incorporé à E.D.F.
-le personnel des services Fond et Jour de la mine (le service commercial, le magasin propre à la mine, le gardiennage, la forge, charpente, constructions, équipages, embranchements étant considéré spécifiquement Mine) sera incorporé à Charbonnage de France et conservera à ce titre, le bénéfice du Statut du Mineur.

Avec la nationalisation les exploitants en profitent pour rappeler aux mineurs de Ronchamp qu'il existe un règlement général sur l'exploitation des mines de combustibles institué par le décret du 13 aout 1911. Ce règlement comporte 225 articles où le dernier dit ceci :''Toute personne en état d'ivresse doit être immédiatement expulsée de la mine et de ses dépendances''. En cette année 1946, les exploitants éditent un petit fascicule d'une douzaine de pages rappelant les consignes du règlement général mais avec celles spécifiques aux mines de Ronchamp. Par exemple, au puits Arthur de Buyer la vitesse de translation ne doit pas dépasser 12 mètres par seconde alors que les consignes générales de l'article 56 fixent la vitesse maxi à 10 mètres par seconde. Ce petit fascicule est disponible ici au format pdf : fascicule.

Pour faire fonctionner la centrale électrique, il fallait du charbon et c'est ce sont les CdF qui se chargent de l'exploitation minière. Á la centrale électrique, le personnel ayant signé l'option EDF reste incorporé à EDF. Du côté des mineurs, le Statut du Mineur prévoit le licenciement : réduction du nombre d'emplois provoquée soit par les nécessités économiques, soit par des modifications dans les conditions d'exploitation. La nouvelle Direction allait progressivement préparer les listes de licenciés en se basant sur l'ancienneté, les charges de famille. L'embauche est ralentie et on incite les employés à partir vers d'autres cieux. En 1949, l'effectif total était de 939, un an plus tard, le 30 septembre 1950 il n'est plus que de 707.

Le 17 mai 1950, EDF réalise un grand tableau récapitulatif (45 cm X 55 cm) sur l'évolution du personnel à partir du 9 mai 1950 à fin janvier 1952. Ce tableau donne tous les détails sur l'effectif nécessaire et celui du personnel devant être licencié (ou départ volontaire). Fin mai 1950 il y a 4 puits en exploitation et leur fermeture prévisonnelle est prévue pour fin septembre pour le Magny, fin décembre pour le Chanois et fin décembre 1951 pour Arthur de Buyer. Celui de l'Étançon continue son exploitation avec 250 hommes de fond. L'image ci-dessous montre en détails l'effectif de la Houillère de Ronchamp en mai 1950: 820 personnes.

Tableau

Le Comité de Gestion du bassin houiller a pris connaissance de la situation financière et des ressources du sous-sol : la fermeture de la mine est inéluctable. Le déficit de la mine était de 12.000.000 de francs par mois. Le charbon ne se vendait plus face à la concurrence : le stock sur le carreau atteignait 24.000 tonnes. Dès la nationalisation, un Comité de Défense de la mine se met en place avec à sa tête, Alphonse Pheulpin, délégué mineur depuis 1929 et maire de Ronchamp depuis 1945. En octobre 1950, il envoie une longue missive circonstanciée au député de la Haute Saône :

Le Comité de Défense de la Mine de Ronchamp,
à Monsieur le Député.....
Octobre 1950
Au nom du Comité de Défense de la Mine de Ronchamp, j'ai l'honneur de vous exposer ci-dessous les considérations sur les menaces de fermeture qui pèsent sur l'exploitation minière de Ronchamp.
                L'effectif, au 31 janvier 1949, était le suivant
                               Fond : 602 ;
                               Jour : 337, soit 939.
                Au 30 septembre 1950, il n'est plus que
                               Fond : 435 ;
                               Jour : 272, soit 707.
                Soit une diminution, en 20 mois, de 232.
                Le rendement moyen de l'exploitation, pour la période de septembre 1950, est de 685 kg (moyenne fond).
                Il se décompose, pour la même période, de la façon suivante:
                               Puis du Chanois                                                                                           822 ;
                               Puits A. de Buyer                                                                                         607 ;
                               Puits du Magny                                                                                            762 ;
                               Puits de l'Étançon                                                                                        689.
Pour la période 1er /13 juillet 1949 (le 13 juillet 1949 étant la date de l'entrevue avec Monsieur le Ministre Lacoste), le rendement moyen de l'exploitation était de 550 kg (moyenne fond).
La comparaison du rendement de ces deux périodes fait ressortir une amélioration de 135 kg.
Malgré cette amélioration, le déficit est toujours de l'ordre de 12 millions par mois ; à notre avis, il provient ;
                a) de la baisse des effectifs du fond, la production ayant diminué de plus de 1.300 tonnes par mois.
                b) du chômage (depuis juillet : 10 journées).
                c) du fait que des ouvriers spécialisés (fond et surface) sont parfois occupés comme manoeuvres.
                d) des stocks existants, environ 24.000 tonnes.
                e) de l'exploitation de veines pauvres.
Les ressources de la concession de Ronchamp sont évaluées comme suit:
                Certaines                                                                                                                          350.000 tonnes ;
                Probables                                                                                                                         450.000 tonnes ;
                Possibles                                                                                                                       1.520.000 tonnes ;
                                                                                                                                             Total  2.320.000 tonnes.

Enfin, des sondages déjà effectués ont amené la découverte de dix veines dans une concession voisine allant de 0,68 m, 0,94 m, 1 m, 1,34 m et 2,50 m d'ouverture à 240, 700 et 1.100 mètres de profondeur. Le Comité de Gestion et E.D.F. ont refusé, au cours d'une réunion tenue à Paris, le 29 septembre 1950, d'accorder les 10 millions nécessaires à l'exploitation du panneau Clovis, au puits du Magny, qui représente plus de 100.000 tonnes de charbon qui est le plus beau, le plus riche du bassin minier de Ronchamp, la puissance de la couche étant de 1,20 m à 1,50 m de charbon et la teneur en cendres de 6,25%.
Ce même Comité avait attribué sur les travaux neufs les crédits nécessaires (4.800.000 F) pour effectuer les travaux qui ont duré plus d'une année et qui ont permis de vérifier l'existence d'une belle veine. Si l'exploitation de ce panneau avait lieu, le rendement atteindrait 1.200 kg par ouvrier, donc rentable. En conséquence, ce crédit, s'il était accordé, représenterait moins de 100 F à la tonne de frais d'investissement (dans d'autres exploitations, ces frais se chiffrent jusqu'à 300 F à la tonne).
D'autre part, dans les ressources indiquées ci-dessus, figurent celles du Puits du Tonet, creusé jusqu'à 574 mètres, parfaitement maçonné, où il existe la première couche avec une épaisseur de 0,65 m à 0,70 m, charbon de première qualité, teneur en cendres moins de 7 %, tonnage : plus de 500.000 tonnes. Comme travaux, le dénoyage de ce puits pourrait demander, installation comprise, environ 15 jours : donc très rapidement l'extraction pourrait se faire et être rentable. Ce puits communiquerait par une galerie avec le Puits d'Eboulet qui servirait de retour d'air et où l'exploitation d'un panneau, qui a une veine de 0,70 m à 0,90 m, pourrait également se faire.

Comme vous le savez, la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'Électricité et du Gaz et le décret du 22 juin 1946 par application desquels la Société des Houillères de Ronchamp a été transférée en totalité à E.D.F., au titre de l'article 6, donne la possibilité à tous les agents d'opter individuellement pour le statut national du personnel des industries électriques ou pour la conservation du statut du mineur, dans le délai d'un mois à partir de la date à laquelle leur seront signifiés l'échelle et l'échelon dans lesquels ils auront été intégrés à l'Électricité de France.
Nous ne pouvons comprendre que l'on refuse au personnel de l'exploitation minière de Ronchamp ce que l'on a accordé au personnel minier d'Hostens. De notre nationalisation à E.D.F., tous les services dépendant de cette branche ont été transférés au Centre de Montbéliard ou aux districts dépendant de ce Centre. Des sommes très importantes ont été dépensées ; ces dépenses auraient pu être évitées (plus de 50 millions), ayant à Ronchamp et fonctionnant très bien, des bureaux qui, aujourd'hui, sont inoccupés ; des logements et des techniciens.
Avant les nationalisations, l'exploitation qui formait un tout (mine, centrale, réseau électrique) était rentable avec un rendement inférieur à aujourd'hui. En conséquence, la non-attribution des crédits pour le panneau Clovis, du Puits du Magny, ensuite pour le Puits du Tonet, équivaudrait à la fermeture prochaine de notre exploitation.

Cette fin d'exploitation réduirait au chômage et à la misère nos camarades mineurs et leurs familles. La misère, la ruine pour toute une région, car non seulement les travailleurs, mais le Commerce, l'Artisanat et l'Industrie vivent par et pour la mine.
Également, nous avons l'honneur de vous faire connaitre que les Houillères de Ronchamp ont fait l'objet d'une citation à l'émission particulière de la Radiodiffusion Française du 3 avril 1945.
D'autre part, il ne faut pas oublier que pendant les périodes difficiles (guerre 1914-1918 et 1939-1944), l'exploitation minière de Ronchamp a dépanné l'Industrie et le Commerce de toute une région, et en particulier les usines à gaz de Besançon, Montbéliard, Belfort, Lure, Vesoul et Giromagny. Actuellement, ces mêmes usines, tout en étant nationalisées, comme l'exploitation minière de Ronchamp, à Électricité de France, achètent leur combustible dans d'autres bassins miniers très éloignés, cause principale du stockage et du chômage.
Connaissant votre souci de l'intérêt national et social, nous vous demandons, au nom de notre Comité, qui groupe les personnalités politiques et religieuses les plus diverses, y compris l'ensemble des Parlementaires de notre département, d'intervenir auprès du Gouvernement pour qu'une Commission d'enquête se rende sur place, fasse un rapport pour que les crédits d'investissement qui nous sont nécessaires nous soient accordés et que le sort de l'Exploitation Minière soit tranché définitivement dans le sens de la continuation.
Avec nos remerciements anticipés,
Veuillez agréer, Monsieur le Député, nos salutations distinguées.
                                                                                                                                                                            Pour le Comité :
                                                                                                                                                                            Alphonse Pheulpin
                                                                                                                                                                            Maire de Ronchamp
                                                                                                                                                                            Conseiller Général.

Le 14 décembre 1950, une commission d'enquête de la Production Industrielle de l'Assemblée nationale est venue à Ronchamp. M. Maurice Deixonne, élu député du Tarn en 1946, en est le rapporteur. Les conclusions de ce rapport étaient favorables où des solutions étaient proposées pour améliorer la situation financière de l'Exploitation. Cependant il semble que la décision de fermeture de la Mine avait déjà été décidée en ''haut lieu'' dès le 3 mai 1950. Pour EDF, l'exploitation du charbon n'était pas son ''cœur de métier''. Le Comité de Défense mène alors une action ''tout azimut'' ; en alertant les parlementaires du département, en invitant des députés et sénateurs, en informant la presse régionale et parisienne. Le 14 octobre 1951, M. Marcel Paul, ancien ministre, promoteur du statut E.D.F. est venu participer à un important meeting.

Á la Commission de la production industrielle, de nombreux députés montent au créneau pour défendre la mine de Ronchamp. Par exemple, René Paul Camphin, député communiste du Pas de Calais, s'adresse aux députés de l'assemblée nationale lors des débats parlementaires du 6 décembre 1949 :« On a décidé également de ne pas accorder de crédits aux houillères du bassin de Ronchamp, et tous les députés membres de la commission de la production industrielle ont reçu une lettre du maire conseiller général. M. Pheulpin, au nom du comité de défense de la mine de Ronchamp. Cette lettre démontre l'effort gigantesque fait par les ouvriers, par les techniciens, par les cadres de ces puits pour augmenter le rendement et diminuer le prix de revient. Elle démontre aussi les ressources de la concession de Ronchamp, qui sont évaluées comme suit: Certaines 350.000 tonnes; probables 450.000; possibles 1 million 520.000 tonnes, soit au total 2.320.000 tonnes. A 100.000 tonnes par an, il y a pour plus de 23 ans d'exploitation d'un charbon très riche puisque l'on en tire divers sous-produits: benzol, goudron, sulfate d'ammoniaque. Et autrefois, il existait à Ronchamp des fours à coke….»

Un autre exemple, celui de Marcel Cervin, député communiste de la Haute Saône, qui s'adresse aux députés le 29 décembre 1949 :« L'objet de mon amendement est le suivant: obtenir qu'une somme de 500 millions soit affectée à la poursuite de l'exploitation de houillères menacées de fermeture. En effet, faute des crédits d'investissements indispensables, le gouvernement arrête progressivement l'exploitation d'une série de houillères. Je tiens une liste de quatorze à votre disposition qui sont déjà fermées ou en voie de fermeture. C'est le cas spécialement pour les houillères de Ronchamp. Je voudrais, à la lumière de cet exemple, essayer de vous montrer où conduit une telle politique. Si l'Assemblée, à qui appartient le dernier mot, permettait qu'elle poursuive, ce serait rien que pour Ronchamp, un millier d'ouvriers, d'employés, d'agents de maitrise et d'ingénieurs privés de travail et une région entière réduite à la misère. On invoque, pour la fermeture de ces houillères, le déficit persistant d'exploitation. Cette raison n'est pas valable. En effet, pour reprendre l'exemple particulier que j'ai donné, si les houillères de Ronchamp sont en déficit, par contre, le combiné houillères-centrale électrique est parfaitement viable et nullement déficitaire. D'autre part, fermer les houillères, c'est tourner le dos aux intérêts dé notre pays ; c'est priver la France d'un charbon qu'elle peut parfaitement extraire de son sol. En effet, si l'on veut consentir les investissements nécessaires — et on le peut — les ressources en charbon des houillères de Ronchamp dépassent à elles seules 2 millions de tonnes et permettent une exploitation rentable pendant dix années. En outre, divers sondages effectués prouvent que de très grandes possibilités d'exploitation existent dans cette région, puisque cinq sondages seulement ont permis de repérer une dizaine de veines allant de 60 centimètres à 2,50 mètres. Ce n'est pas un cas particulier. Dans la plupart des autres mines menacées de fermeture, on constate que des crédits d'investissements suffisants, permettraient d'assurer une marche normale et parfaitement rentable de ces entreprises. Par ailleurs, il est parfaitement évident que chaque tonne extraite en moins de notre sol signifie une tonne de plus importée, contre dollars naturellement, et la France comme chacun sait, loin s'en faut, ne roule pas sur l'or. Cette politique tendant à importer au seul profit des trusts charbonniers américains et allemands prouve, une fois de plus, qu'elle est néfaste à nos finances, à notre pays et à notre peuple. Pour toutes ces raisons, nous demandons à l'Assemblée d'adopter notre amendement, qui tend à empêcher la fermeture des houillères de Ronchamp et de celles qui se trouvent dans le même cas. Le pays ne comprendrait pas que l'on consacre à l'équipement et au fonctionnement de nos houillères menacées de fermeture une somme qui n'est que le millième de ce que le Gouvernement et sa majorité consacrent au budget militaire et à la guerre contre le peuple du Viêt-Nam. »

René Depreux, sénateur de la Haute Saône, apportera son soutient au Comité de Défense en siégeant à la Commission de la production industrielle. Le dernier banquet de la Fête de Ste-Barbe se déroule le 4 décembre 1953 au restaurant Helle à Champagney. M. Dumay, technicien des Charbonnages de France, représentant le Comité de Gestion de l'Exploitation minière n'a pas mâché ses mots en annonçant la fermeture de la mine en raison de la situation charbonnière, de l'état du gisement et de l'hérésie économique. M. Bouly, représentant de l'E.D.F. commence à parler de reconversion. André Maroselli, maire de Luxeuil, député en 1946 et sénateur en 1952, s'est particulièrement impliqué dans la recherche d'entreprises susceptibles de s'installer à Ronchamp. Il a pris contact avec une importante société de constructions aéronautiques spécialisée dans l'infrastructure et les roulements à billes. La société Peugeot a même été contactée. André Maroselli intervient dans la création du Comité d'Expansion Économique de la région.

Une importante réunion se déroule à la Mairie le 17 janvier 1954 pour faire le point sur les annonces faites au cours du dernier banquet de la Sainte Barbe. L'Est Républicain du 19 janvier en fait largement écho dans ses colonnes.« Les échos du discours de M. Dumay, qui avait jeté un froid parmi la population ouvrière de Ronchamp, ne se sont pas estompés malgré l'éloignement du temps. Peut-être même se sont-ils amplifiés et leur résonance a, sans aucun doute, stimulé l'ardeur des vigoureux défenseurs de la mine de Ronchamp que l'on croyait jusqu'au jour de la Sainte-Barbe dernière, délivrée des dangers qui la menaçaient depuis près de cinq ans. Et voilà, qu'à la fin d'une journée particulièrement joyeuse, des paroles d'anxiété étaient prononcées. Il n'en a pas fallu plus pour jeter l'alarme dans la région de Ronchamp et si la réunion de dimanche ne s'est pas déroulée plus tôt, les évènements politiques en ont été la cause (élection de René Coty le 23 décembre 1953).»Voir le document complet à télécharger: Est Républicain

Le 8 avril 1946, la Société des Houillères de Ronchamp est nationalisée et tous ses biens (matériel et personnel) sont donc transférés à EDF. Cela signifie que tous les employés de la Mine et de la Centrale Électrique sont intégrés à EDF. Mais EDF va interpréter à sa façon les termes du décret en faisant une discrimination entre les employés des deux entités. Le 7 octobre 1951, quinze ouvriers de la mine employés au jour reçoivent leur préavis de licenciement. Parmi ceux-ci, Raymond Le Gall, employé à l'atelier de la forge de la Mine, demande une mutation dans un établissement similaire :«Sur les conseils avisés d'amis qui connaissaient la Loi, il a demandé à être muté dans un établissement similaire avec les avantages au moins égaux à ceux dont il bénéficiait aux Houillères de Ronchamp. L'E.D.F. s'est refusé à lui accorder la mutation sollicitée. M. Le Gall, aidé par le syndicat des mineurs C.G.T. et l'appui du Comité de Défense de la mine a saisi la juridiction prudhommale. Ce fut Maître Dreyfus-Schmitt, avocat au barreau de Belfort, ancien bâtonnier, qui fut chargé de cette défense…. Le 4 août 1952, M. le Juge de Paix du canton de Champagney, dans sa décision a reconnu que l'exposant faisant partie d'une entreprise transférée à E.D.F. dans sa totalité devait bénéficier du droit d'option entre son statut antérieur et le statut E.D.F. Il a, en conséquence, déclaré injustifié le licenciement.» (Marcel Mougenot). Naturellement, EDF fait appel de cette décision et le 26 mars 1953, le Tribunal de Lure infirme le précédent jugement. Cependant, il a reconnu le bien fondé de la demande du plaignant et a ordonné sa réintégration parmi le personnel EDF et le paiement de 50.000 francs de dommages et intérêts sous le statut du mineur. Raymond Le Gall est envoyé à Saint-Girons dans l'Ariège. Cette affaire ne pouvait se terminer qu'à la Cour de cassation. Avant d'en arriver à cette extrémité, il s'en est suivi une bataille juridique entre EDF et le Comité de Défense, quant à l'application des textes de lois.

En mai 1954,le Comité de Défense publie le «Livre Jaune» pour le maintien en activité de la mine et de la centrale thermique. En 1937, l'état des ressources du sous-sol fait apparaitre une exploitation possible pendant 22 ans, à raison de 128.000 tonnes par an. La fin de mine était déjà presque prévue pour 1959. En avril 1955, une grève des mineurs de Ronchamp provoquent des arrêts de travail en chaine et créent une certaine tension entre les différents camps et les autorités administratives.

Le 1er octobre 1955, une importante réunion à lieu en Préfecture de Vesoul en présence de M. le Préfet, le sous-Préfet, M. Dumay Directeur technique des Charbonnages, M. Fidel Directeur de l'exploitation minière, les parlementaires de la Haute-Saône ainsi qu'une délégation du Comité de Défense et du droit d'option. M. Dumay parle d'une fermeture rapprochée. Il est pour la reconversion avec une activité maintenue à Ronchamp. EDF estime avoir fait le nécessaire en 1947. Dans l'hypothèse d'une option EDF le personnel serait réparti de Dunkerque à Marseille. Alphonse Pheulpin cite des dates, des chiffres, des textes, des promesses. Il est partisan de la reconversion mais pas à n'importe quel prix et demande une suspension de séance. Á la reprise, il demande une consultation générale de tout le personnel de l'Exploitation minière. Le référendum proposé est admis par tous les membres et la question posée sera celle-ci :
Demandez-vous le maintien de vos revendications au sujet du droit d'option ?
Il est organisé le 25 octobre 1955 et donne les résultats suivants ; inscrits : 402, votants : 376, abstention : 26, oui : 355, non : 16, bulletins nuls : 5. Le 21 avril 1956, le Comité de Défense présente un compromis. M. Maroselli intervient auprès de la Direction EDF pour l'étude des doléances globales du personnel et demande des précisions pour une consultation légale. Le 28 mai 1956, une réunion en Préfecture de Vesoul règle les bases d'une consultation définitive. Les syndicats, le Comité de Défense devront s'engager à ne rien faire auprès des mineurs tendant à remettre en cause les statuts. Les accords seront subordonnés au retrait du pourvoi en cassation.

Le 31 juillet 1956, le protocole d'accord est mis noir sur blanc et présentait 4 solutions ;
----option statut EDF
----option usine de reconversion
----continuation dans une autre mine
----refus de l'une ou l'autre solution.
Le protocole est signé, et le Comité de Défense de la mine sera dissous. Le personnel présent dans l'entreprise a reçu une lettre avec la copie du protocole (septembre 1956). Le 26, le Directeur de l'Exploitation faisait connaitre les résultats :
--171 agents ont choisi la solution mutation et intégration dans une exploitation ou un service EDF ou GDF.
--160 agents ont choisi la solution réemploi dans une usine à créer (ou existante) dans la région Ronchamp-Champagney.
--5 agents n'ont pas accepté les dispositions du protocole.
--3 agent n'ont pas répondu ou n'ont pas répondu dans les délais.

Les employés ayant opté pour le statut EDF sont dispatchés dans des centres ou centrales aux quatre coins de l'Hexagone pendant que d'autres sont mutés à GDF. Ceux ayant opté pour la reconversion dans des usines de la région Ronchamp-Champagney ou dans un nouvel établissement à créer sont employés dans des travaux de fin de mine. Un petit nombre va rechercher du travail dans les usines de la région sans attendre de voir la ''fin du tunnel''. Le reste des agents de la mine vont poursuivre leur carrière jusqu'au 3 mai 1958, date de la dernière remonte du charbon au puits du Magny. L'exploitant prévoit l'arrêt de l'extraction le 31 mars 1958 au puits de l'Étançon et le 15 avril au puits du Magny. Il prévoit aussi la fin de tous les travaux annexes pour le 1er octobre 1958 ; démantèlement des travaux de fond au puits du Magny et de l'Étançon puis celui de ces deux puits, remblayage des affleurements de surface dans le secteur de l'Étançon et La Houillère et le comblement de tous les puits ouverts. Fin 1957, la Société Polaris s'installe dans des anciens locaux des ateliers de la Société des Houillères (à proximité des ''Grands bureaux''). Elle est spécialisée dans la fabrication de verres polarisants. Une autre société arrive sur le site ; la société Maglum. Elle est un sous-traitant automobile.

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