LA TUILERIE MÉCANIQUE DE JEANDELAINCOURT (54114)

Tuilerie jeandelaincourt

Origines de la tuilerie de Jeandelaincourt

La famille Adt est originaire de Moselle (Frauenberg, 57200)) et pendant plusieurs générations elle gérait un moulin où certains membres en possédaient en Sarre. Petit à petit la famille diversifie ses travaux. Mathias Adt, meunier, se met à tailler des tabatières en bois puis il en fabrique en papier mâché. Avec l'aide de ses huit fils, Mathias a put donner à sa production artisanale une certaine ampleur et écouler sa production jusqu'à Sarrebruck et Sarreguemines. La famille traverse la révolution de 1789 sans trop de problèmes. Un des fils fait fortune en se lançant dans la fabrication de tabatières décorées de scènes révolutionnaires et guerrières, des portraits, etc… Un autre des fils fait passer la production du stade artisanal au stade industriel. Riche, il construit sa première usine vers 1839 qui se développe très rapidement, de 50 ouvriers en 1839 elle passe à 300 en 1851. Il crée de nouvelles manufactures qui vont connaitre un considérable essor, notamment à Forbach et Pont à Mousson. Un cousin Jacob Fridolin Adt, travaillant comme caissier dans ses entreprises, est très lié avec une famille allemande : les Ludowici, fabricant de tuiles en Allemagne. Jacob apprit que le sol argileux de la région de Pont à Mousson était propice à la fabrication de briques et de tuiles. Le village de Jeandelaincourt a été choisi pour la qualité exceptionnelle de l'argile. Il persuade ses cousins de se lancer dans l'affaire. Ainsi est née ''La Société Anonyme de la Tuilerie Mécanique de Jeandelaincourt'' le 16 septembre 1893.

Un premier bâtiment est construit entre 1893 et 1894 et en 1897 une nouvelle construction voit le jour. De nouveaux bâtiments industriels sont édifiés en 1902, 1908, 1909 et 1912. La Tuilerie devint la propriété de Jacob Fridolin ADT et de ses descendants. Le succès commercial s'est amplifié: les produits étaient garantis 30 ans au lieu des 10 ans pratiqués ailleurs, le double emboitement latéral, la qualité et l'aspect des produits dus aux techniques des ADT emportèrent l'adhésion totale du marché. En février 1907 la Société a traité un gros marché de 1.000.000 de tuiles pour les travaux du chemin de fer de Vera Cruz au Mexique. C'est un entrepreneur de Londres qui a donné la commande après des essais officiels comparativement à un fournisseur de Marseille. Après le décès de Jacob Fridolin en 1909, la Tuilerie continua à se développer et c'est Émile Fridolin Adt qui reprit la direction des usines, alors qu'il faisait une brillante carrière aux Chemins de Fer de l'Est. Émile était secondé par son frère Louis. Sous leurs directions, l'usine devint une entreprise connue dans toute la France et à l'étranger. Durant toute la durée de la guerre de 1914 les usines sont complètement arrêtées; la plus grande d'entre elles, est incendiée dès le début des hostilités, les autres sont endommagées.

Au printemps 1919, les installations sont remises partiellement en route et l'usine incendiée est reconstruite en 1921. En 1922, Émile décède et son petit frère Louis lui succède pendant plus de 50 ans. Il sera secondé, suivant les époques, par son neveu Jean Adt, fils d'Émile, ou par son propre fils Guy. En 1926, un nouveau bâtiment industriel vint s'ajouter à ceux déjà existants. Vers 1932, les propriétés de la Société s'étendent sur plus de cent hectares. Celle-ci possède quatre usines à Jeandelaincourt : trois tuileries et une briquèterie, dont la surface couverte atteint 15.000 mètres carrés. L'ensemble des terrains industriels, usines, parcs, carrières et raccordement à la Compagnie de l'Est couvre vingt-huit hectares. Le banc d'argile qui est pratiquement inépuisable, est exploité sur une hauteur de 38 mètres, le développement du front de taille étant de 400 mètres. Plus de 200 tonnes d'argile sortent journellement de la carrière pour être transformées en tuiles, en briques et en accessoires de toitures. Trois étangs créés artificiellement et d'une contenance totale de 12.000 mètres cubes, fournissent l'eau nécessaire aux chaudières et à l'arrosage des terres. Les usines disposent d'une force motrice de 500 chevaux, le personnel comporte 350 à 360 ouvriers et employés, la production annuelle totale de produits cuits est de 56.000 tonnes, et la fabrication quotidienne de tuiles seules atteint 60.000 unités.

Le processus de fabrication

L'argile est montée directement, au moyen de treuils, aux doseurs linéaires qui opèrent automatiquement les dosages voulus, puis elle passe aux broyeurs à meules où elle est, après avoir été convenablement arrosée, soumise à un quadruple broyage successif, pour être envoyée enfin à des cylindres finisseurs très puissants et à vitesses différentielles, qui la laminent à moins d'un millimètre. Ces machines de préparation, qui ont à fournir un gros travail, de façon permanente, sont d'une construction très robuste. Au sortir des cylindres, l'argile est dirigée automatiquement vers une machine à étirer qui la mélange encore quelque peu, mais dont le rôle est surtout de comprimer tout en propulsant. De cette machine sortent de gros pains de terre, qu'un transporteur emmène dans des caves spéciales où on les laisse reposer pendant quelques semaines. Ce repos a une grande influence sur la qualité finale des produits. Dans les caves l'argile se fait, se lie et une humidité égale la pénètre partout. Au bout de quelques temps les pains partent pour la fabrication proprement dite. Ils sont amenés à une deuxième machine à étirer, d'où ils sortent sous forme de briques, pleines ou Creuses, ou de galettes à tuiles. Tous les produits sont fabriqués en pâte molle, c'est à dire, par le procédé qui donne les garanties les plus sérieuses pour la résistance à la gelée (garantie 20 ans contre la gelée).

À la sortie de la machine à étirer, les galettes à tuiles sont appliquées sur les moules des presses à 5 pans et automatiquement les tuiles montent aux installations de séchage, qui sont très vastes, afin de permettre aux produits de sécher lentement et progressivement, de conserver l'homogénéité de leur grain, et d'éviter le gauchissage (vrillage). Pour ce qui est des briques fabriquées par la Société, il s'agit de briques creuses surtout, qui sont découpées automatiquement et séchées dans des tunnels séchoirs.

Après séchage, la cuisson des produits fait l'objet d'une surveillance toute spéciale. Au sortir des fours, les tuiles sont méticuleusement contrôlée une à une. Un petit coup de marteau doit produire un son d'acier sinon elle est rebutée. Aux essais officiels du Conservatoire National Arts et Métiers, la charge de rupture moyenne de la tuile à côte de Jeandelaincourt, 15 tuiles au mètre carré, est ressortie à 370 kilos, chiffre anormalement élevé et jamais atteint par d'autres fabricants. Les tuiles Jeandelaincourt ont subit d'autres tests comme par exemple 6 heures d'immersion dans l'eau bouillante, une série de 25 gels consécutifs ; aucune altération n'a été observée.

La tuilerie vue d'avion Exposition à Nancy La tuilerie jeandelaincourt Aprèe l'incendie de la tuilerie0 Publicité de la tuilerie Catalogue produits de la tuilerie

Le paternalisme industriel

Le savoir-faire et le paternalisme ont marqué l'histoire de ce petit village de 800 âmes à 25 km au nord de Nancy. À l'image des compagnies houillères le patron de la tuilerie a entretenu les mêmes règles que la vie familiale dans l'autorité et le respect. Il s'est attaché à rendre le plus de bienêtre possible à son personnel pour ''le garder sous la main'' aussi bien dans l'usine qu'à l'extérieur en lui octroyant beaucoup d'avantages. Le personnel est logé, chauffé et éclairé gratuitement, dans 71 maisons, représentant 130 logements, et des jardins ainsi que des champs sont mis à sa disposition. Des allocations spéciales et diverses sont accordées aux familles nombreuses, du lait est notamment distribué aux enfants. La Société a créé une Coopérative, une boulangerie, une boucherie; elle a établi un vaste réseau d'eau potable. Elle a installé un établissement de bains-douches qui est mis à la disposition du personnel gratuitement. Une fanfare a aussi été créée par la Société. La jeunesse n'a pas été oubliée dans la pratique sportive où la Société a créé un parc des sports, dans lequel un terrain de football avec vestiaires et une salle de gymnastique ont été aménagés de même qu'un court de tennis.

Deux anciens employés de la tuilerie ont témoigné le 24 juillet 2016 dans l'Est Républicain, édition de Pont à Mousson ; « C'était une belle expérience. Il y avait de la complicité et de l'entraide. On se serrait les coudes… On était logés par les patrons. C'était comme ça. Et ça convenait à tout le monde… C'était du paternalisme bien vécu ! D'ailleurs, lors que l'usine a fermé, le patron a vendu ses maisons aux ouvriers pour une bouchée de pain. »

La société après la guerre 39/45

En octobre 1944, les Allemands, avant leur retraite, ont incendié les tuileries de Jeandelaincourt, qui ont brulé totalement. Les sept cheminées ont été rasées, soit par l'artillerie, soit par les alliés qui les avaient dynamitées, car elles constituaient de trop dangereux points de repère. La Société reprend ses activités dès 1946, et ce grâce â l'acharnement et à la persévérance de Louis ADT, secondé par Jean, son neveu. En 1967 Louis décède et son fils Guy voulait moderniser la fabrication malgré l'opposition de Jean. En 1967 la carrière de Champigneulles s'épuise et toute la fabrication est ramenée à Jeandelaincourt en 1969 où Guy avait fait construire une usine ultramoderne, nécessitant beaucoup moins de main-d'œuvre. Elle fonctionne en parallèle avec l'ancienne, mais la qualité de la fabrication s'en est beaucoup ressentie et les productions deviennent médiocres.

Dans la nuit du 20 au 21 juin 1969 un gigantesque incendie ravage les anciennes usines et les dégâts sont considérables. Guy Adt s'associe à la Tuilerie de Jouy-aux-Arches, en Moselle. La fabrication est différente, plus rapide et de médiocre qualité et la clientèle se détourne de la marque. Guy est obligé de céder l'affaire à la Famille Boulanger, de région Parisienne. M. Boulanger et sa société G.M.E. deviennent propriétaire de tout: les quatre usines de Jeandelaincourt, celle de Champigneulles, celle de Jouy-aux-Arches, toutes les terres agricoles, l'immobilier (maisons et cités ouvrières).

Début des années 1980 c'est le début de la fin de la tuilerie ; réduction des horaires et rumeurs de vente. M. Boulanger vend tout ; les cités sont rachetées par leurs occupants, les terres sont revendues aux agriculteurs, les maisons de direction cédées aux plus offrants. Les carrières et les anciennes tuileries sont vendues et une nouvelle société s'installe sur le site. Elle est spécialisée dans le traitement et l'élimination des déchets dangereux. (Sources : http://forbach-histoire.fr/57/ --- http://www.passion-histoire.net/index.php)

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